Maud Larochette, diplômée en management et géopolitique, allie expertise financière et gestion des ressources humaines. Conférencière et nominée CFO de l’année 2022, elle met en œuvre une stratégie RH centrée sur l’humain pour le bien commun.

Avec Maud, nous avons parlé aujourd’hui du rôle du leader inspirant, de mise à l’échelle et de résilience, et de comment la finance peut être un levier d’épanouissement humain dans une organisation.

Tu parlais du lien entre la finance et les RH. On parle aussi souvent de toi en lien avec le concept de congruence. Est-ce que ça te parle ?

Oui, ça me parle quand même, heureusement. Moi, j’utilise beaucoup le mot cohérence plus que congruence, même si je crois que ce n’est pas si différent. Peut-être que la congruence, c’est encore plus holistique.

Mais dans ma manière de faire, c’est vraiment ça : toutes les actions qu’on prend doivent être cohérentes avec ce qu’on désire, avec notre idéal. Avec ce qu’on veut pour l’entreprise, la vision qu’on a pour elle.

Je pourrais donner plein d’exemples, mais là, par exemple, je viens juste de commencer une nouvelle mission. Et je crois savoir vers quoi ils doivent aller. Donc chaque recrutement, par exemple, est fait par rapport à ce end state que j’imagine. Même la manière de recruter : inclure les équipes, le faire en transparence, réfléchir à leur charte de manière holistique… Tout ça est lié au projet. Et pour moi, cette cohérence-là, elle est hyper importante, hyper clé.

Quand on n’est pas cohérent, il n’y a pas de confiance.

La confiance par la cohérence

Ma mère était prof de communication, et elle m’a toujours dit – et moi je le ressens très fort aussi – que quand le verbal et le non-verbal ne collent pas, y’a un truc qui cloche. On sent un décalage. Et donc, de facto, tu te demandes ce qui se passe, tu te méfies. Tu fais moins confiance. Parce que la personne, quelque part, n’est pas entière dans ce qu’elle fait.

Et au niveau de l’entreprise, c’est pareil. Être cohérent, c’est aussi assumer ses défauts. On sait qui on est, on assume nos qualités et nos limites. Et cette cohérence-là, elle permet d’avoir une marque employeur forte.

Tu sais à quoi t’attendre. Quand tu rejoins N-Side, par exemple, tu sais que ça va être exigeant, que tu vas avoir du boulot. Mais tu sais aussi que tu vas t’amuser, que tu vas apprendre plein de choses. Et tu sais que c’est pas fait pour tout le monde. Donc, ça évite les recrutements ratés, où quelqu’un se dit : “Mais moi j’ai pas signé pour ça.” Là, au moins, tu sais dans quoi tu mets les pieds.

Et cette cohérence, elle n’est pas du tout en contradiction avec la robustesse. Au contraire. Pour moi, la diversité fait partie de cette robustesse. Il y a une cohérence de vision, mais dans cette vision, on va chercher des gens qui pensent différemment, qui nous complètent.

Et ça, ça rend l’entreprise plus forte, plus résiliente. Parce que chacun vient avec ses forces, et c’est aligné avec la vision de base. Pas d’injonctions contradictoires. Et donc moins de mal-être. Tu sais où tu bosses, tu sais à quoi t’attendre. Et ça, pour moi, ça contribue à la performance globale de l’entreprise.

Tu as parlé de cette confiance qu’amène la cohérence. Et toi, tu joues ce rôle de leader qui insuffle cette confiance. Tu aurais des tips and tricks pour faire ça ?

Quand tu dis “la confiance du leader”, tu veux dire que les gens me font confiance ou que le leader doit faire confiance à son équipe ?

Les deux, évidemment. Mais là, je pensais plutôt à la capacité du leader à faire confiance à sa propre vision, à l’assumer, et à l’insuffler à son équipe.

 Ah oui. Mais c’est intéressant ce que tu dis, parce que tu viens peut-être de donner la réponse : avoir confiance dans sa vision, ça demande déjà pas mal de confiance en soi.

Et moi, je suis quelqu’un qui doute beaucoup. C’est pour ça que les principes d’itération sont super importants. Et aussi pourquoi c’est essentiel de bien s’entourer.

En fait, il y a plusieurs étapes pour arriver à une confiance en soi “suffisamment suffisante”, tu vois, pour pouvoir dire : “OK, je suis pas sûre à 100 %, mais c’est good enough pour avancer et embarquer les autres.”

Donc comment on fait ça ? D’abord, se connaître soi. C’est la base. Connaître ses zones d’ombre. Faire un peu d’introspection.

Moi je pense que tout le monde devrait aller voir un psy à un moment dans sa vie, même s’il n’y a pas de problème particulier. Ou au moins un coach. Se poser des questions : qu’est-ce qui nous meut ? Quelles sont nos peurs ? Nos forces, nos faiblesses ?

Moi, je suis extravertie. Je suis “jaune” en Insights Colors. Mais je suis CFO parce que j’ai un côté analytique, j’aime l’intégrité des chiffres. Par contre, je suis nulle en documentation. J’aime pas ça, je suis pas rigoureuse.

Et c’est OK. 

Le truc, c’est de pas prétendre être ce qu’on n’est pas. Et s’il y a un besoin dans l’entreprise, on va chercher quelqu’un qui, lui, aime faire ce que nous, on fait mal.

Par exemple, quand je bossais chez FedEx, j’avais une équipe paneuropéenne. Je suis francophone, je parle bien anglais, mais j’ai un accent et ce sera toujours le cas. Et ce n’est pas ma force. Alors mon bras droit, c’était un Anglais. Parce que je savais que j’avais besoin de cette complémentarité.

C’est hyper important d’avoir cette humilité. Et en plus, ça valorise les gens avec qui tu bosses. Tu les rends importants. Et ça, ça construit la confiance.

La confiance d’être remplaçable

J’adore cette idée de confiance partagée. Et tu disais aussi que tu t’étais sentie meilleure leader quand tu t’es dit : “Je dois devenir remplaçable.”

Oui. Exactement. Je viens de quitter N-Side, et ça fait un an que je préparais cette sortie. J’ai monté mon équipe en puissance en me disant : “Je dois être remplaçable.” Et franchement, je pense que j’ai jamais été aussi bonne leader que depuis que j’ai eu cette pensée-là.

Et tu sais, je me suis rendu compte d’un truc : j’ai toujours été meilleure manager quand je n’avais pas moi-même l’expertise.

Ça paraît contre-intuitif, mais quand tu ne sais pas, tu ne donnes pas les réponses. Tu poses des questions. Tu fais réfléchir les gens. Et ça, ça les fait grandir beaucoup plus.

Moi, je suis nulle  en IT. Mais j’ai géré des équipes IT. Et j’étais capable de dire : “Tiens, pourquoi vous faites ça comme ça ?” Sans savoir moi-même coder. Juste en posant les bonnes questions.

Mais ça demande aussi de la confiance en soi. Accepter de ne pas savoir. De ne pas tout contrôler. Et de laisser la place aux autres.

On approche de la fin de l’épisode. Est-ce que tu pourrais partager trois actions concrètes qui, selon toi, amènent un impact positif ?

  1. Se connaître. Aller voir un coach, réfléchir à son fonctionnement, à ce qui nous meut, à ce qui nous bloque. Et comprendre que ça évolue. Nos priorités changent avec la vie. Donc il faut régulièrement refaire ce travail-là.

  2. S’entourer. Et pas juste de gens “meilleurs que nous”, comme disait Steve Jobs, mais de gens qui nous complètent. Qui nous challengent. Et pour ça, il faut dépasser nos biais de recrutement. Accepter de ne pas choisir des gens qui nous ressemblent.

  3. Être généreux. Dans sa manière d’aborder les autres. Donner sans attendre quelque chose en retour. Moi je fais pas mal de pro bono, parce que ça me nourrit. Si ça peut servir quelqu’un, tant mieux.

Pour conclure, Maud, quel est le morceau qui te donne envie de passer à l’action ?

Alors… ce n’est peut-être pas un morceau qui me pousse à l’action, justement. C’est plutôt une chanson qui m’apaise, qui m’aide à me poser. C’est Feel Good de Charlotte Cardin – enfin je crois que c’est comme ça qu’elle s’appelle, je suis nulle avec les noms… Oui, Charlotte Cardin, c’est ça.

Mon compagnon déteste cette musique, il dit que c’est de la soupe – mais moi je l’adore. Parce qu’elle me fait vraiment sentir bien. Et je pense que c’est dans cet état-là que je suis la plus performante, en fait. C’est une bonne note de fin, non ? 

Quand je me sens relaxée, ancrée, c’est souvent là que j’ai le plus d’impact. Et cette musique m’aide à atteindre cet état.

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